le consentement dans le chemsex
Se lancer dans une session chemsex ne signifie pas consentir à tout ce qui est susceptible de nous arriver. De même que dans la vie de tous les jours, le chemsex est avant tout un espace privé dans lequel la liberté d’être soi et d’exprimer une sexualité socialement oppressée devient possible et normalisée dans cet espace. Pour autant, la liberté des possibles ne signifie pas s’affranchir de l’obligation de prendre soin d’autrui.
La problématique du consentement et des violences sexuelles demeurent existantes et le contexte des sessions chemsex nous amène à redéfinir les enjeux du consentement et voir quelles vigilances sont à avoir dans ce cadre. Les violences sexuelles seraient assez fréquentes dans les espaces de chemsexeurs, cet article vise à lever le mythe d’une soit disant zone grise du consentement.
Qu’est-ce que le consentement ?
Le consentement, qu’il s’agisse d’une dimension juridique ou sexuelle, la définition est la même : le fait de donner son accord pour un projet ou une action.
Même si sa définition théorique est simple, en pratique il exige plusieurs critères indispensables, car on ne peut juste s’arrêter avec le simple fait de donner son accord.
Consentir signifie donner son accord de manière :
- Libre et éclairé : la personne n’a pas subi de pression pour dire oui, elle est dans un état qui lui permette de prendre la décision, elle est en capacité de parler et de formuler des phrases de façon cohérente et de manière libre face à l’autre/les autres personne(s). Céder n’est pas consentir ! Donc on n’insiste pas, on ne négocie pas.
- Spécifique : il ne vaut que pour une situation précise. Donner ou recevoir un ‘’oui’’ pour une activité sexuelle ne signifie pas que cet accord vaut pour d’autres pratiques. Ainsi, dire oui à deux personnes ne signifie pas un oui pour les autres personnes autour, accepter une pratique avec l’un d’eux ne signifie pas que l’autre à le droit de faire la même pratique sans s’assurer du consentement. A chaque nouvelle pratique, assure toi que la personne consent pour chacune d’entre elles.
- Informé : les partenaires doivent mutuellement s’informer des pratiques qu’ils souhaitent réaliser, c’est aussi s’informer des risques d’IST et des moyens de protection.
- Réversible : un oui peut devenir un non ! Le consentement n’engage à rien et peut être retiré à tout moment. On peut changer d’avis en plein milieu d’une pratique sexuelle.
- Enthousiaste : même si la personne dit ‘’oui’’, ce doit être un oui sincère et enthousiaste, la communication non verbale est aussi importante et il est nécessaire de sentir que la personne en a réellement envie.
Le consentement existe-t-il dans un espace de chemsex ?
Dans les témoignages des personnes pratiquant le chemsex, certains d’entre eux disent consulter des professionnels de santé pour parler de l’addiction au chemsex mais jamais des violences sexuelles qu’ils pourraient subir. Ces phénomènes semblent assez courants et sont généralement massivement confirmés par les chemsexeurs.
Ces récits entrent en cohérence avec les chiffres des récentes études menées à ce sujet par des chercheurs sur les usagers de leurs cliniques couplé d’un questionnaire auto administré en ligne1.
- 46,6 % des répondants déclarent avoir eu du sexe non consenti
- 16,7 % disent avoir eu du sexe forcé
- 17,7 % répondent avoir été en état de soumission chimique
Dans le cadre du chemsex, le consentement c’est aussi donner son accord à consommer des produits. Il faut avoir conscience que les violences ne sont pas toujours repérées et vécues comme telles sur le coup mais peuvent l’être après une lecture de la situation a posteriori.
Il est impératif de démystifier l’idée selon laquelle les hommes ne peuvent pas être violés ou agressés. Être victime de violence n’a pas de genre ou d’orientation sexuelle. Néanmoins, la culture de la violence est une culture qui appartient à la nôtre, elle est historique, systémique et souvent invisible. Dans les différents espaces d’une société, il est question d’une banalisation de la violence, et à chacun des niveaux cette banalisation peut prendre des formes plus ou moins élevées.
Le chemsex nous permet de mettre en avant le fait que les violences à l’encontre des hommes sont une réalité mais aussi de prendre conscience d’une culture de violence dans les relations HSH*, impulsée par l’histoire, les représentations culturelles et les discriminations.
Les chemsexeurs sont des personnes dites plus vulnérables sur les risques d’addiction et de violences sexuelles. En effet, il y aurait 4 fois plus de victimes de violences sexuelles pendant l’enfance chez les chemsexeurs que dans la population masculine générale.
Ces données ne reviennent pas à essentialiser les HSH ou les chemsexeurs mais nous permettent de comprendre les spécificités des problématiques qui peuvent les traverser et qui ont pour conséquences l’accès à la santé mentale et sexuelle. (La Santé Mentale, cliquer ici pour lire l’article)
Au vu de ces constats, il est difficile de parler de consentement dans le contexte chemsex car la prise de substances est censée ne plus pouvoir permettre de donner un consentement libre et éclairé.
*HSH : hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes
en pratique – le consentement dans le chemsex :
- Garder en tête l’idée de respect des corps et des émotions des uns et des autres. S’assurer au maximum du caractère spécifique, informé, enthousiaste et libre d’un OUI
- S’informer sur ses consommations
- Veiller à ce que son/ses partenaire(s) ne soient pas dans un état a un degré plus intense que les autres personnes
- Être attentif à ce qu’il se passe autour, veiller à ce que personne ne soit isolé dans un état intense
- Être vigilant aux cas de violences potentielles, une personne qui fait un G-Hole n’est JAMAIS consentant et n’est pas en mesure de s’exprimer, s’assurer qu’une personne bienveillante soit à ses côtés
Comment prévenir et réduire les risques liés à l’usage des drogues de manière générale ?
• Ne jamais consommer seul, et de préférence avec des personnes de confiance dans un lieu rassurant. L’idéal est qu’au moins une personne ne consomme pas pour pouvoir prendre en charge les éventuels usagers qui auraient besoin d’aide.
• Doser raisonnablement et prudemment le produit : commencer par de très faibles quantités pour tester la force du produit. De nombreux facteurs peuvent faire varier l’intensité des effets (composition du produit, fatigue physique, fragilité psychologique, alimentation, situation médicale…).
• Utiliser du matériel de consommation à usage unique (seringue, roule ta paille…) pour éviter les risques de contamination VIH et IST
• Être dans de bonnes dispositions physiques et mentales avant de consommer pour limiter les risques de bad trip
• Être responsable de soi et des autres, écouter son corps et ses limites afin de ne pas surconsommer jusqu’à l’épuisement
• Si possible prévoir un temps de repos dans un endroit calme et apaisant après la période de consommation
• Ne pas hésiter à consulter un psychologue et/ou addictologue si vous sentez que vous perdez le contrôle de vos consommations ou que celles-ci ont des répercussions négatives sur le reste de votre vie. Vous pouvez également en parler à votre médecin généraliste qui pourra vous orienter vers un Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie.
Numéros à contacter (selon le degré d’urgence) :
Police/gendarmerie : 17 (téléphone) ou 114 (SMS)
Centre d’addictovigilance de Lyon : 04 72 11 93 95
Drogue Info Service : 0 800 23 13 13
SAMU 15 / Pompiers 18 ou 112
(1) Etude Chemsex, consent and the rise in sexual assault sexually transmitted infection Ward et al, 2017 Royaume Uni
Etude Chemsex and mental health of men who have sex with men in Germany, Bohn et al, 2020